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01 - Go to Togo

Un beau jour, vos deux fidèles serviteurs décidèrent d’aller voir plus au Sud ce qui s’y passait et projetèrent de traverser le Ghana à vélo. Après moultes rebondissements, les montures furent livrées à leur triste sort à Ouagadougou et nous partîmes en bus et à pattes.

Comme le passé simple me fatigue déjà, je vais continuer cette histoire au présent.

La ligne droite n’étant pas forcément l’itinéraire le plus court d’un point à un autre, c’est d’abord au Togo, plus précisément dans la ville de Kara que nous amène notre pérégrination. Mais même avant cela, le parfum d’aventure était déjà présent puisqu’il a fallu réussir à se réveiller (ou ne pas aller se coucher pour être exact) afin de réussir à attraper le bus matinal, qui nous fit traverser des paysages encore inconnus du Burkina Faso. Rien ne ressemble plus à une brousse arborée qu’une autre brousse arborée disait déjà cet illustre philosophe grec dont le nom m’échappe mais je ne lui en tiens pas rigueur. Et pourtant, que nenni ! Derrière les vitres poussiéreuses du bus on perçoit des changements, parfois visibles (différente répartition des espèces d’arbres, floraison de certains, modifications de la forme de l’habitat, collines, etc.) et parfois plus ténus (on sait que ça a changé mais on ne parvient pas à dire pourquoi, peut-être un changement de composition spécifique du tapis de graminées, peut-être une nature du sol différente ou peut-être encore une chimie de l’air nouvelle, je ne sais pas). Cette impression persistera tout au long du voyage en découvrant certains paysages dans le Nord du Ghana : « c’est tout comme mais c’est pas pareil ».

Le passage de la frontière, dans la tout à fait oubliable bourgade de Cinkanssé, se fit sans trop d’encombres et la différence la plus flagrante est alors le changement d’uniforme des policiers. A part cela, pas grand chose à signaler. A noter qu'on peut rentrer facilement au Togo, le visa pour une semaine peut se faire à la frontière en l'échange de la modique somme de 10 000 FCFA (15€) sans aucun autre document qu'un passeport en règle.

La seconde partie du trajet, qui nous amène à Kara, réserve bien plus de surprises et c’est là que commence à apparaître du relief, éveillant mon excitation, sous la forme de petites montagnes, de falaises, de collines, de vallées… Enfin, nous quittons la plate monotonie paysagère burkinabé pour retrouver quelques manifestations de l’exubérance de Mère Nature. La végétation traduit une humidité accrue et on voit de nombreux bananiers et papayers. Il y avait bien sûr plein d’autres choses à voir, que j’ai précieusement consignées par écrit dans un petit carnet bleu oublié dans un tro-tro assurant la liaison entre Koforidua et Accra. S’y reporter pour plus de détails.

Kara, deuxième ville du Togo, nous accueille sous un beau soleil de fin de journée en nous offrant une apparition à la peau blanche et aux cheveux blonds que nous rattrapons afin d’obtenir plus d’informations sur la ville ou nous nous trouvons, sur les possibilités d’hébergements et, pourquoi pas, taper la discut’. Jackpot, il se trouve que la demoiselle est une française qui travaille bénévolement (en fait qui paye elle-même une rondelette somme mais là n'est pas la question) dans un orphelinat tenu par une sœur catholique à tendance progressiste et avec un coeur grand comme ça. On se retrouve donc à loger là-bas avec les avantages (rencontre de l’équipe et des enfants, tous adorables) et les inconvénients (grilles qui se ferment assez tôt principalement) que cela présente.

Quelques vues de Kara depuis la "montagne".
Quelques vues de Kara depuis la "montagne".Quelques vues de Kara depuis la "montagne".Quelques vues de Kara depuis la "montagne".

Quelques vues de Kara depuis la "montagne".

Kara nous permet une bonne transition entre notre vie citadine de Ouaga et un retour à la nature. La ville est assez grande, on y trouve de tout, mais la montagne (pardon à ceux qui rigoleront en voyant ce que j’appelle montagne désormais) n’est qu’à quelques enjambées. On y a fait de nombreuses promenades, et j’y suis beaucoup allé seul, pour marcher, courir, discuter, observer, méditer… Une de ces promenades mériterait d’ailleurs d’être racontée par le menu tant elle a été intense en émotions et en rebondissements. Parti seul avant que le Soleil ne se lève, je suis parti droit vers la montagne puis j’ai continué à avancer sur les lignes de crête pour aller d’un sommet à un autre (tous les massifs ont la même orientation, sont sur un seul axe, et sont parallèles). En suivant les chemins je traversais fatalement des villages, ce qui m’a permis de mettre au point un nouveau concept qui va sûrement faire fureur : le tchouk-trail. On marche (le côté « trail ») et dès qu’on arrive dans un village, on peut difficilement décliner les invitations à grands cris et grands gestes des habitants qui veulent que vous veniez tchouker avec eux. Le tchouk est l’équivalent local du dolo ouagalais, une bière artisanale de sorgho. Ce n’est pas très fort mais cela peut quand même avorter des ambitions glorieuses comme de marcher droit jusqu’à l’horizon. Après m’être ressaisi, ayant compris que mon salut passerait par la traversée des villages camouflé dans un buisson ou déguisé en âne, j’ai poursuivi la marche jusqu’à comprendre que mon but était cette montagne là-bas, qui dominait toutes ses voisines. L’ascension s’est faite sans trop d’encombres malgré les conseils non suivis (« surtout, prenez le sentier ») tout en nécessitant de faire un peu d’escalade. La descente en revanche a été des plus épiques. Je décide de partir par l’autre face et me retrouve à désescalader toute une zone de rocher pas des plus évidentes sur une cinquantaine de mètres pour finalement me retrouver au sommet d’une petite falaise. Je n’en menais vraiment pas large car j’étais épuisé, le rocher était glissant, la falaise relativement haute et ininterrompue. Après être passé par une phase de renoncement (« je reste là et j’attends que l’inanition ait raison de moi, je nourrirai au moins les vautours »), j’ai quand même trouvé un moyen d’arriver en bas où m’attendait une jungle d’herbes hautes sans aucun chemin. C’est donc avec la crainte de croiser un serpent que j’avançais vers ce qui me semblait être la bonne direction et finis dans un bosquet de ronces des plus agressives qui ont transformé ma peau en un champ de mil à la veille des semis et dans lequel j’ai, bien sûr, réveillé un nid de frelons (j'ai eu très peur de finir en séance d'acupuncture mais en fait ils ne piquaient pas et se sont contentés de me voler autour). Après m’être complètement perdu j’ai heureusement croisé un jeune homme venu entretenir son jardin potager et qui m’a amené à la route en moins de 5 minutes.

La pause "tchouk", la montagne-objectif, de loin puis de près, et enfin le potager de mon sauveur.
La pause "tchouk", la montagne-objectif, de loin puis de près, et enfin le potager de mon sauveur.La pause "tchouk", la montagne-objectif, de loin puis de près, et enfin le potager de mon sauveur.
La pause "tchouk", la montagne-objectif, de loin puis de près, et enfin le potager de mon sauveur.

La pause "tchouk", la montagne-objectif, de loin puis de près, et enfin le potager de mon sauveur.

Ce qui est le plus marquant dans ces montagnes, ce sont les cultures en terrasses. Les flancs en sont constellés et les hommes ont déplacé des blocs de pierres impressionnants par leur nombre et leurs dimensions. Ces terrasses accueillent le sorgho ou l'igname qui nécessite en plus que de gros monticules de terre soient formés. Les cases donnent aussi une impression de constructions très solides et les toits en paille sont particulièrement jolis. Ici, comme en d’autres endroits encore, je suis toujours stupéfait par le courage des femmes qui traversent la montagne sur des sentiers au relief accidenté, piégés de cailloux glissants ou coupants, et qui portent sur leur tête des charges monstrueuses (combien peut peser une bassine de 50 cm de diamètre remplie d'ignames ? Ou d’eau ?), avec de simples savates en plastique aux pieds, un enfant accroché dans le dos et, souvent, un autre en attente dans le ventre. Au pied de la montagne, on trouve une zone plus humide où se succèdent les jardins potagers, surmontés de cocotiers, créant une atmosphère très particulière. Les baobabs sont très impressionnants de par leur taille, leur forme (très contorsionnés), et leur aura mystique (dur à expliquer ici, mais beaucoup dégageait quelque chose de particulier) intensifiée par la couleur rouge de la terre et noire des rochers autour.

Les champs au pied de la montagne, un potager en terrasse, un cultivateur semant l'igname, les terrasses avec les cultures d'ignames, des femmes descendant à la ville, un champ d'igname au sommet d'une colline.
Les champs au pied de la montagne, un potager en terrasse, un cultivateur semant l'igname, les terrasses avec les cultures d'ignames, des femmes descendant à la ville, un champ d'igname au sommet d'une colline.Les champs au pied de la montagne, un potager en terrasse, un cultivateur semant l'igname, les terrasses avec les cultures d'ignames, des femmes descendant à la ville, un champ d'igname au sommet d'une colline.Les champs au pied de la montagne, un potager en terrasse, un cultivateur semant l'igname, les terrasses avec les cultures d'ignames, des femmes descendant à la ville, un champ d'igname au sommet d'une colline.
Les champs au pied de la montagne, un potager en terrasse, un cultivateur semant l'igname, les terrasses avec les cultures d'ignames, des femmes descendant à la ville, un champ d'igname au sommet d'une colline.Les champs au pied de la montagne, un potager en terrasse, un cultivateur semant l'igname, les terrasses avec les cultures d'ignames, des femmes descendant à la ville, un champ d'igname au sommet d'une colline.

Les champs au pied de la montagne, un potager en terrasse, un cultivateur semant l'igname, les terrasses avec les cultures d'ignames, des femmes descendant à la ville, un champ d'igname au sommet d'une colline.

Pour ce qui est de la vie citadine, la nourriture nous a enchantés avec son déluge de foufou (sorte de purée d’igname) sauce sésame et une très grande variété de « pâtes » (rien à voir avec les pâtes italiennes, c’est une sorte de pourridge à base de maïs ou de mil) dont j’ai perdu les noms en même temps que mon carnet. Le soja est assez répandu et s’achète sous forme de tofu frit dans l’huile accompagné de piment. Le pain est un syncrétisme de celui du Ghana et du Burkina : même consistance que le premier (brioché) mais avec une déclinaison en pain sucré (comme au Ghana) et pain salé (comme au Burkina). Pour moi, la grande découverte fut le wangash, une sorte de fromage préparé par les peuls, qui n’est pas très goûtu mais se laisse apprécier avec délectation ! Il est parfois consommé frit (c’est conseillé pour ne pas tomber malade car l’eau utilisée pour la fabrication peut être source de désordres). Hormis le tchouk, délicieux, dont j’ai parlé plus haut, les togolais aiment la bière et elle est encore moins chère qu’au Burkina, avec pour moi un coup de cœur pour l’Awoyo, légèrement ambrée et sucrée.

Puisque nous avons fêté Noël sur place, les festivités se sont déroulées à l’orphelinat avec les enfants, dans une ambiance que je qualifierais presque de laïque (à mon grand soulagement). Nous leur avons préparé des tartes au citron et ils nous ont fait un de leur foufou de fête dans une joyeuse ambiance de danse, de rire et de petits cadeaux.

Les enfants du centre en train de jouer le jour de Noël. Sur l'avant-dernière photo, Soeur Léa, la responsable.Les enfants du centre en train de jouer le jour de Noël. Sur l'avant-dernière photo, Soeur Léa, la responsable.
Les enfants du centre en train de jouer le jour de Noël. Sur l'avant-dernière photo, Soeur Léa, la responsable.
Les enfants du centre en train de jouer le jour de Noël. Sur l'avant-dernière photo, Soeur Léa, la responsable.Les enfants du centre en train de jouer le jour de Noël. Sur l'avant-dernière photo, Soeur Léa, la responsable.Les enfants du centre en train de jouer le jour de Noël. Sur l'avant-dernière photo, Soeur Léa, la responsable.

Les enfants du centre en train de jouer le jour de Noël. Sur l'avant-dernière photo, Soeur Léa, la responsable.

Le jour du 25 Décembre, tout le monde était bien habillé, on pouvait entendre la musique de partout et, dans la montagne, on pouvait entendre les djembé qui rythmaient ce jour particulier. Pour finir, nous nous sommes rendus à une fête derrière une église qui valait le détour. Seize heures, quelques percussions au milieu d’une place et autour une foule de gens tous déguisés de façon bigarrée (en costume de travailleur avec cravate et mallette, en militaire, en femme…) qui dansent, rigolent, miment des scénettes et boivent du tchouk. Une mention spéciale pour le caméraman qui tenait à la main les restes de ce qui devait être un poste radio et mimait un cadreur en train de filmer la scène et tout le monde réagissait face à lui comme s’il eut s’agit d’une vraie caméra (chorégraphie, poses aguicheuses, saluts…).

La fête déguisée au son des percussions.
La fête déguisée au son des percussions.La fête déguisée au son des percussions.
La fête déguisée au son des percussions.

La fête déguisée au son des percussions.

Encore la fête. On peut voir que toutes les tranches d'âge y sont représentées.Encore la fête. On peut voir que toutes les tranches d'âge y sont représentées.Encore la fête. On peut voir que toutes les tranches d'âge y sont représentées.

Encore la fête. On peut voir que toutes les tranches d'âge y sont représentées.

Après trois jours à Kara, nous décidâmes qu’il était temps de reprendre notre route vers le Ghana…

A suivre!

Pas si simple de renoncer au passé simple, il m'a rattrapé subrepticement.

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